Trois questions à

Barthélémy Toguo, artiste plasticien camerounais

Le Musée national de l’histoire de l’immigration a acquis trois œuvres de l'artiste Barthélémy Toguo illustrant trois étapes de l’exil : Climbing down (2004)/(Escalader vers le bas) ; Road to Exile (2008) ; Tampons, Carte de séjour, Mamadou, France, clandestin (2010). À l'occasion de l'exposition Chaque vie est une histoire, dans laquelle est présentée son œuvre Climbing down, l'artiste répond à trois questions.

L’exil est une thématique centrale de votre travail. Que représente-t-il pour vous ?

Barthélémy Toguo : Mes œuvres ont pour thèmes l’immigration et l’exil. L’immigré est celui qui quitte son pays de façon temporaire ou définitive dans la perspective d’une promotion sociale, intellectuelle. Tandis que l’exilé souvent activiste ou engagé, est obligé de quitter sa patrie, contraint et forcé de fuir une persécution. Il acquiert la situation de réfugié privé d’un lieu propre avec une perte de ses origines. L’exil est d’une violence inacceptable car les épreuves supportées dépassent le respect de l’humain au bénéfice de considérations viles.

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Portrait de Barthélémy Toguo
Barthélémy Toguo
© Zacharie Ngnogue

Me vient à l’esprit cet extrait de l’autobiographie du poète Pablo Neruda J’avoue que j’ai vécu. Je veux vivre dans un pays où il n’y ait pas d’excommuniés. Je veux vivre dans un monde où les êtres soient seulement humains, sans autres titres que celui-ci, sans être obsédés par une règle, par un mot, par une étiquette. Je veux qu’on puisse entrer dans toutes les églises, dans toutes les imprimeries. Je veux qu’on n’attende plus jamais personne à la porte d’un hôtel de ville pour l’arrêter, pour l’expulser. Car aujourd’hui il faut garder espoir et continuer à imaginer des valeurs nous permettant de transmettre un autre modèle de vivre ensemble aux générations futures.

Ces œuvres constituent un choc visuel par leur aspect surdimensionné, leurs couleurs et une certaine forme d’humour pour parler d’une réalité tragique. Pourquoi ce choix ?

B.T. : Ce sont des installations monumentales pourvues d’absurdité et d’ironie tant les doubles contraintes à tout niveau réduisent les sujets en objet sans identité. Rien de drôle dans ce traitement si bouleversant.

Qu’est-ce que cela signifie pour vous d’être entré dans les collections d’un musée d’histoire ? Et plus globalement quelle est selon vous la place de l’art contemporain dans un tel lieu ?

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Climbing Down de Barthélémy Toguo
Climbing down (2004)
Photo : Anne Volery © Palais de la Porte Dorée

B.T. : La présence de mes œuvres dans la collection permanente du Musée me réjouit d’autant plus que le sujet majeur traité ici est d’une pertinence inouïe ! Évoquer les mouvements et traversées des populations lors des colonisations par exemple, leur incidence aujourd’hui à l’ère des guerres, des problèmes des ressources de plus en plus limitées comme l’eau… Le Musée éclaire et induit ces réflexions car il dispose de ressources et de la médiation. Quand on est artiste, on a la chance de pouvoir dire les choses autrement. J’interpelle et je continuerai d’interpeller parce que c’est mon rôle. Je ne peux pas faire de l’art en regardant mon nombril. Il faut que je puisse aller vers des gens avec une dimension sociale.