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Gaëlle Choisne : "La France a encore du mal à penser la colonisation"

Avec Monument aux Vivant.e.s, l'artiste franco-haïtienne Gaelle Choisne propose sept rendez-vous en hommage aux victimes du colonialisme et à leurs descendants.

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Gaëlle Choisne
© Fondeviolle
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La performance CHOC, Gaëlle Choisne
Le 10 mai 2022 au Palais
© Fondeviolle

Un cercle magique de marc de café entourant une chorale afroféministe, des artistes habillés de blanc (la couleur du deuil hors des pays occidentaux), des psalmodies en créole haïtien, du gospel, une DJ, des spectateurs en larmes... Le 10 mai dernier, le Forum du Palais était le théâtre d'une cérémonie-spectacle aussi étrange qu'émouvante.

L'artiste Gaëlle Choisne signait avec cette performance, baptisée CHOC, le premier volet d'une collaboration au long cours avec le Palais de la Porte Dorée.

"Rendre hommage aux victimes de l'esclavage et des colonisations d'hier et d'aujourd'hui"

Le projet s'intitule Monument aux Vivant·e·s. et propose de « rendre hommage aux victimes de l'esclavage et des colonisations d'hier et d'aujourd'hui », résume l'artiste. Et d'accompagner leurs descendants dans le deuil de cette histoire tragique. Jusqu'en juin prochain, sept installations- performances seront ainsi proposées aux visiteurs du Palais. Elles font écho aux étapes de la perte théorisées par la psychologue Elizabeth Kübler- Ross : le choc, le déni, la colère, le marchandage, la dépression, le pardon et l'acceptation.

Dans un bâtiment lui-même érigé en 1931 pour glorifier le colonialisme, ces interventions prendront des formes diverses.

Le deuil comme "soin collectif"

Gaëlle Choisne aime entrecroiser les disciplines intellectuelles et artistiques. Chant, musique, sculpture, vidéos, débats et rites vaudous... Sept étapes, sept moments pour rappeler cette histoire tragique et ses liens avec l'époque contemporaine. « Pour faire un deuil, il faut reconnaître ce qui a été. La France a encore bien du mal à penser la colonisation, la spoliation et leurs conséquences », explique Gaëlle Choisne. Mais Monument aux Vivant.e.s se veut aussi consolation, « soin collectif » pour une artiste qui place la dimension spirituelle au coeur de son travail.

Temple of Love, sa précédente installation explorant l'amour comme une forme de résistance, a été déclinée in situ dans de nombreux musées et galeries. De New-York à Berlin, l'artiste de 38 ans est aujourd'hui très sollicitée.

Exhumer l'histoire d'Haïti

Dans sa pratique, les héritages du colonialisme et plus globalement la question des dominations sont récurrents. Un sujet que Gaëlle Choisne maîtrise et porte dans sa chair. Née en Normandie d’une mère haïtienne et d’un père français, elle garde le souvenir d’une enfance niant sa double culture et son métissage. « Mes parents pensaient bien faire en surjouant l'identité française. Mais ça ne satisfaisait ni mon être ni mon âme. »

Alors, après des études aux Beaux-arts de Lyon et d'Amsterdam, ses pas la portent vers la terre maternelle. Elle s'en inspire toujours, mêle l'ésotérisme et les cultures populaires créoles à ses créations. Elle y revient, propose des ateliers de création plastique aux écoliers et aux habitants. Elle y tourne les images qui nourrissent son travail. « Pas celles des médias », qui donnent à voir une terre de catastrophes naturelles et d'extrême pauvreté. Non, Gaëlle Choisne préfère exhumer l'histoire politique et glorieuse d'Haïti, « qui a beaucoup à voir avec la France, mais que chacun ignore », résume-telle. L'histoire d'une terre d'esclaves qui obtint en 1794 la première abolition de l'esclavage puis son indépendance le 1er janvier 1804, après avoir défait les troupes napoléoniennes.

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Les coquillages de Déni dans l'Aquarium tropical
Photo : Yasmyn Camier © Palais de la Porte Dorée

La programmation de Monument aux Vivant·e·s est en cours de finalisation, avec plusieurs temps forts en mai.

L'étape DÉNI est actuellement installée dans l'Aquarium tropical. La session se clôturera avec la pose d'une sculpture-lustre de coquillages et laiton. Cette évocation des transactions de la traite négrière intégrera la nouvelle exposition permanente du Musée.

Rendez-vous en juin.