« J’ai été fasciné par l’éclectisme des goûts de Christian Louboutin »
Nous avons posé trois questions à Olivier Gabet, commissaire de l'exposition Christian Louboutin : l’Exhibition[niste]. Rencontre avec le directeur du Musée des Arts décoratifs de Paris.
Vous n’aviez jamais travaillé avec Christian Louboutin. Qu’est-ce qui vous a marqué chez lui ?
Olivier Gabet : Comme commissaire de cette exposition, mon rôle a consisté à faire des choix parmi les propositions foisonnantes qu’il m’a faites. Nous avons énormément échangé sur la place qu’il souhaitait accorder aux artistes et artisans qui l’ont inspiré ou avec lesquels il a collaboré. C’est rare. Quand on prépare une exposition monographique, l’artiste en est souvent le sujet presque unique. Et les gens de mode sont par ailleurs très autocentrés.
On retrouve cette attention aux autres dans les collaborations nouées avec des artistes. Devenues très courantes ces dernières années, elles sont en général artificielles. Ce n’est pas du tout le cas ici.
Et puis, j’ai été fasciné par l’éclectisme des goûts de Christian, que l’on découvre notamment dans la dernière partie, avec des objets et œuvres issus de collections nationales et privées, ainsi que des siennes. Cette exposition est une succession de surprises, alternant des séquences calmes et d’autres inspirées par le monde du spectacle, qu’il apprécie tant.
Pensez-vous que cela amènera un nouveau public à redécouvrir le Palais ?
Olivier Gabet : J’en suis persuadé. Christian a intégré l’imaginaire collectif. Songez à cette une du New York Post à la mort d’Aretha Franklin : désormais, quand on parle de Louboutins, chacun sait qu’il s’agit de chaussures.
Des gens découvriront ce Palais, si riche en histoire, parce qu’ils seront venus voir Louboutin. Des visiteurs qui n’ont peut-être jamais passé les portes d’un musée et qui ne sont pas des clients de la marque viendront rencontrer cet univers si élitiste de la mode. Pour voir de belles choses et explorer les coulisses.
Comment naît et se construit une collection ? C’est inimaginable pour beaucoup. L’exposition le montrera. Pour expliquer aussi que derrière ce qui fait rêver, il y a beaucoup de travail.
Qu’est ce qui explique selon vous cette popularité de Christian Louboutin ?
Olivier Gabet : La place inédite qu’il occupe dans la mode contemporaine tient à ce que son travail s’enracine dans la culture populaire, au sens noble du terme.
Dans le cinéma, la musique, les Louboutins sont devenus les souliers par excellence, proches de tous les sexes, genres et origines. Grâce notamment à la série des Nudes, ces souliers adaptés aux différentes carnations, qui montrent aussi que la mode se fait l’écho des importantes transformations de la société.