"Je crois que l’art apporte de la force et de la visibilité à notre combat"
Les 24 et 25 novembre, le Palais de la Porte Dorée accueille la pièce de théâtre Nos corps empoisonnés écrite et mise en scène par Marine Bachelot Nguyen. La pièce raconte la vie et les luttes d’une femme vietnamienne : Tran To Nga. Justice, liens entre art et engagement, nous nous sommes entretenus avec elle pour évoquer ses combats et la pièce qui s’inspire de sa vie.
Tran To Nga grandit au Vietnam où elle est témoin de la guerre qui oppose la république démocratique du Vietnam au nord, à la république du Vietnam, au sud, soutenue par l’armée américaine.
Pour Tran To Nga, l’engagement politique était évident : « Je suis née dans une famille de patriotes et depuis ma tendre enfance ma mère m’a élevée pour l’amour du peuple, de l’indépendance et du bonheur. C’est pour cela que je suis engagée depuis très longtemps. »
Jeune résistante dans le maquis pendant la guerre du Vietnam, exposée à l'agent orange, la militante poursuit encore aujourd’hui son combat pour rendre justice aux victimes de l'épandage et plus globalement pour sensibiliser sur les violations environnementales caractérisées par le recours aux produits agrochimiques : « En 2013, j’ai assigné 26 firmes américaines qui ont produit de l’agent orange pendant la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, nous avons fait appel. Les plaidoiries sont déjà fixées pour 2024. »
"Je suis reliée à tous les morts, reliée à tous les vivants. Et pour que les vivants et les morts soient en paix, il faut simplement de la réparation. Il faut simplement de la justice."
Extrait de la pièce Nos corps empoisonnés.
La pièce Nos corps empoisonnés aborde la lutte de Tran To Nga pour la reconnaissance des effets de l’épandage américain de l’agent orange sur les civils durant la guerre du Vietnam. La rencontre avec l’équipe de la pièce s’est faite naturellement : « On a sympathisé, on se considérait déjà comme la famille et je considère aujourd’hui toute l’équipe comme mes proches, mes enfants. »
Pour Tran To Nga, Nos corps empoisonnés est une façon d’apporter un soutien à la lutte pour la reconnaissance et les réparations pour les populations touchées par les effets de l’agent orange : « Je crois que l’art apporte de la force, de l’encouragement et aussi de la visibilité à notre combat. Angélica* joue tellement bien qu’une soirée de représentation vaut plusieurs des débats auxquels j’ai participé par le passé. »
Si la pièce - en mêlant texte, performance, vidéo et images d’archives - rapporte avec force la lutte titanesque d’une femme contre les "tragédies de l'histoire", c’est aussi une occasion de plus de faire entendre la voix de populations mutilées par l’épandage américain : « Je suis très reconnaissante de la pièce que Marine Bachelot met en scène. La pièce m’a beaucoup aidée à parler du crime de la guerre chimique contre les Vietnamiens et tous les autres peuples du monde entier. Je suis très émue, très touchée et j’aimerais que le spectacle se joue aussi au Vietnam pour que mes concitoyens le voient. »
Pour Tran To Nga, qui vit actuellement en France, voir son histoire écrite et interprétée, c’est aussi voir portée sur scène l’histoire de son pays : « Cela a une grande signification que mon histoire soit racontée au Palais de la Porte Dorée. L’histoire du Vietnam sera racontée à travers l’histoire de la vie d’une seule personne. »
*Angélica-Kiyomi Tisseyre Sékiné, comédienne qui interprète Tran To Nga dans la pièce.