"La nouvelle exposition permanente du Musée aidera à comprendre les débats actuels"
Plus ouvert à la dimension internationale des migrations et à l’actualité, recentré aussi sur une approche historique, la nouvelle exposition permanente du Musée national de l’histoire de l’immigration est en pleine refonte. Rencontre avec Sébastien Gökalp, directeur du Musée et commissaire général du projet.
Le parcours permanent a fermé en décembre 2020 pour rouvrir au printemps 2023. Plus de 60 scientifiques (historiens, géographes, sociologues, conservateurs du patrimoine) ont travaillé à vos côtés pour imaginer le nouveau parcours. Pourquoi cette refonte ?
C’est une nécessité pour tout musée de renouveler régulièrement son parcours permanent. Le précédent avait près de quinze ans.
Or depuis, beaucoup de choses ont changé. Les migrations occupent une place de plus en plus importante dans l’actualité. Par ailleurs la recherche scientifique a permis de nombreux apports de savoirs. Il nous semblait important de les faire connaître au public. De lui faire aussi découvrir des œuvres acquises récemment. 80% des contenus du futur parcours permanent sont nouveaux. Notre ambition est de contribuer à l’évolution du regard sur l’immigration et de nourrir la réflexion sur cette histoire trop mal connue.
Vous évoquez les recherches historiques récentes. Qu’ont-elles à nous raconter et comment vont-elles nourrir ce nouveau parcours ?
Les sujets d’études développés récemment sont nombreux : la place des femmes dans les migrations, le statut des étrangers, les luttes pour la reconnaissance des droits des immigrés, les croisements culturels. Les chercheurs s’intéressent aussi aux liens entre colonisation et immigration, à la façon dont les médias rendent compte de celle-ci. L’approche est plus internationale. Le futur parcours doit le refléter, comme il doit évoquer les débats du moment sur l’esclavage et les enjeux mémoriels.
Vous renouez avec une approche historique en construisant l’exposition autour de 11 dates-clefs. Lesquelles et pourquoi ?
Nous avons choisi des dates parfois évidentes, comme les deux guerres mondiales et d’autres liées à l’immigration, comme 1983, année de la Marche pour l’égalité et contre le racisme. L’idée est de montrer qu’il y a des phases d’hospitalité, de rejet, d’intégration, de croisement qui se sont succédé au fil des siècles, dans des contextes différents.
Nous voulions aussi inscrire les migrations dans un contexte plus ancien et plus international. La première date du parcours, est 1685, l’année de la rédaction du Code noir, qui définit le statut des esclaves dans les territoires français ultramarins. Mais c’est aussi l’année de l’édit de Fontainebleau, entraînant l’exil forcé des protestants français vers d’autres régions du monde.
Le parcours s’achèvera avec un vaste espace dédié aux questions contemporaines. Pour y dire quoi ?
Sur ces 400m2, notre ambition est de faire connaître aux visiteurs la réalité du monde actuel, de façon scientifique, loin des clichés. Cette salle fera une large part à l’art d’aujourd’hui et présentera quatre sections, évoquant l’hostilité actuelle aux frontières de l’Europe, l’enracinement des migrants, le multiculturalisme et enfin les tensions sociales et mémorielles. La réouverture du parcours s’accompagnera de manifestations et débats avec notre vaste réseau de partenaires sur ces sujets.
L’un des objectifs est de rendre le parcours plus accessible aux migrants et plus largement au public peu habitué des musées. Comment ?
L’application du Palais présentera ce parcours en cinq langues le français, l’anglais, l’arabe littéral, le turc, le pachto, langues les plus parlées par les primo-arrivants. Plus globalement, une large place sera laissée aux dispositifs numériques, à la vidéo, à la cartographie qui sont des outils efficaces de transmission. Les cartels, en français et en anglais, proposeront aussi plusieurs niveaux de lecture. Par ailleurs, la refonte est l’occasion d’un chantier des collections : nous répertorions, documentons et restaurons l’ensemble des objets, œuvres et documents de nos collections. Leurs photos, accompagnées d’éléments explicatifs, sont mises en ligne progressivement sur le site internet du Palais.
Pour ceux qui connaissaient l’ancien parcours permanent : l’espace va-t-il être réaménagé ?
Oui, il ne sera plus nécessaire de revenir sur ses pas pour faire toute la visite, comme c’était le cas auparavant. L’espace d’exposition est agrandi et nous aurons un parcours linéaire plus agréable.
Le futur parcours permanent du Musée
« Une scénographie épurée qui proposera aussi des moments d’émotion », Maciej Fiszer, scénographe de la nouvelle exposition permanente.