Lamine Diagne et Raymond Dikoumé, comédiens
À l'occasion de leur spectacle Françé joué au Palais de la Porte Dorée, les comédiens Lamine Diagne et Raymond Dikoumé discutent de la question noire et de leur processus de création à deux.
Dans cette pièce, vous traitez de la « question noire française » par le biais de vos histoires personnelles. Pouvez-vous nous raconter ce qui, dans vos vies, peut y référer ?
Lamine Diagne et Raymond Dikoumé : La question noire est avant tout une problématique américaine. La culture outre-atlantique, très communautaire, a permis aux africains-américains de questionner leur identité. En France la promesse de l'universalisme exclut ces problématiques. Il y a une culture dominante dans laquelle il est parfois difficile de trouver sa propre définition. La « question noire » est une formule qui nous permet de pointer du doigt un impensé national. C’est dans l’œil de l’occident conquérant qu’est apparue cette altérité, cette couleur qui nous qualifie si mal. Avec Françé, il s’agit pour nous de parler à partir de nos intimes, des parcours de nos familles qui sont intrinsèquement liés à la France de l’Empire.
Pouvez-vous nous partager votre processus de création à deux ?
L.D. et R.D. : Notre écriture a commencé par un partage d'expérience, nous nous sommes racontés. Ces échanges ont mis en lumière la pluralité des vécus et l’impossibilité de traiter ce sujet de manière générale. Nous nous sommes alors engagés dans une quête bouleversante pour tous deux, un processus qui nous a poussé à creuser nos endroits pour toucher du doigt les frictions palpables qui remettent en perspective nos histoires familiales avec la grande Histoire, celle que l’on raconte sur les bancs d’école et qui est faite d’omissions délétères.
Quel travail de recherche avez-vous réalisé notamment pour les images d’archives des vidéos projetées ? Qu’avez-vous souhaité retranscrire avec cette création visuelle ?
L.D. et R.D. : Les images d’archives ont cela de précieux qu’elles sont indéniables et imposent une vérité crue sur des passages parfois controversés de l’histoire de France en Afrique. Nous avons choisi de mettre à distance ces documents par un traitement vidéo qui les place à l’endroit de réminiscences, de résonances, comme l’écho lointain d’un passé toujours présent.
En quoi est-ce symbolique pour vous de présenter Françé au Palais de la Porte Dorée, bâtiment qui trouve son origine dans l’exposition coloniale de 1931 ?
L.D. et R.D. : L’histoire coloniale française est intimement liée à nos destinées, nous sommes tous deux nés de parents qui ont connu la colonisation et l’indépendance de leurs pays d’origine. La propagande coloniale, dont l’exposition de 1931 fait partie, a instillé dans l’imaginaire français des stéréotypes qui sont encore agissants aujourd’hui, et dont nous avons du mal à départir. Traiter cette histoire au sein du Palais de la Porte Dorée évoque pour nous un rituel libérateur, un exorcisme du passé sans lequel nous ne pouvons pas tourner la page.
Le spectacle Françé se tient le vendredi 8 novembre 2024 au Palais de la Porte Dorée et est suivi d'une rencontre avec l'équipe artistique. Réservez vos places dès maintenant.