Nikolaï Angelov
Ce Français d'origine Rom Bulgare a donné au Musée deux objets qui racontent son passé de sans-abri.
La nouvelle exposition permanente présente deux objets qui vous ont appartenu, un sac de couchage et un téléphone. Quelle est leur histoire ?
Le sac de couchage est celui dans lequel j’ai dormi dans la rue pendant trois ans. J’ai continué de l’utiliser bien longtemps après avoir trouvé un logement. Les draps que j’utilise aujourd’hui ne m’apportent pas le sentiment de protection ni d’intimité que j’avais avec ce duvet ! Quant au téléphone, c’est le seul objet que j’avais lors de mon arrivée en France en 2008, à l’âge de 18 ans. Il me permettait de garder le contact avec ma mère, restée en Bulgarie.
Pourquoi avoir choisi la France, dont vous avez obtenu la nationalité en 2016 ?
J’ai suivi mon père car nous n’avions aucune perspective en Bulgarie. Après 36 heures de bus, on s’est retrouvé au Panthéon sans parler un mot de français. Nous survivions de la charité des gens. Nous repartions régulièrement, jamais nous n’avions imaginé nous installer en France, ça semblait impossible. Et puis en 2012, j’ai rencontré un homme, Thierry Heuninck, qui m’a hébergé et persuadé de prendre des cours de français. C’est là que j’ai commencé à rêver de pouvoir rester. Car en apprenant la langue, je me suis senti utile et j’ai pu intégrer Les Enfants du canal, association d’aide aux populations roms, dans le cadre d’un service civique. Puis j’ai travaillé comme médiateur social pour la mairie de Paris dans une unité d’assistance aux sans-abris. Et là, je viens de réussir le concours de policier municipal pour travailler dans la même unité. Ce parcours, je ne pouvais pas le réaliser en Bulgarie : il y avait trop de racisme et de discrimination vis-à-vis de la communauté rom à laquelle j’appartiens. Aujourd’hui ma vie est en France. Mon fils y est né. Je me sens complètement français.
Que voudriez-vous que ces objets racontent aux visiteurs ?
Ce duvet et ce téléphone si précieux résument ma vie de cette époque. Je voudrais que les visiteurs prennent conscience des difficultés rencontrées et des efforts fournis par ceux dont le seul désir est d’accéder à une vie tranquille similaire à celle des Français. Je travaille dans le secteur social, je paie des impôts. En 2014 j’ai découvert le génocide des Roms lors d’un voyage à Auschwitz. J’en ai fait un livre et depuis je partage mon parcours personnel et cette histoire des Roms en intervenant dans des classes. Je pense ainsi rendre à la France ce qu’elle m’a donné. Je voudrais que les visiteurs de l’exposition comprennent à quel point les différences sont une richesse pour notre pays.