Trois questions à

« Une pratique spirituelle peut s’abreuver à plusieurs sources »

Dans le cadre de l'exposition Lieux saints partagés, nous avons posé trois questions à l’écrivain et philosophe Alexandre Jollien. Une invitation à découvrir les vertus humanistes des spiritualités.

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alexandre jollien
Alexandre Jollien © Stéphane Etter

Pourquoi avoir accepté d'être l'un des ambassadeurs de Lieux saints partagés ?

Alexandre Jollien : Le dialogue inter-religieux est d'une actualité immense. La pratique religieuse, les lieux saints sont un constant rappel à ce voyage intérieur qui vise à nous faire descendre au-delà d'un moi sociologique, au-delà des fonctions, des rôles que nous jouons tous les jours, pour réaliser que nous sommes tous en marche vers plus grand que soi. En ce sens, aucune religion n'a le monopole, il est mille et une voies qui conduisent à l'intériorité. Impossible de mettre la main sur la vie intérieure sauf à sombrer dans le fanatisme et à nier la vocation de toute vie intérieure : aimer, se donner, se libérer de l'égoïsme.

 

Catholique, revenant de votre séjour coréen, vous avez déclaré souhaiter construire des ponts entre les religions...

Je crois que le monde dans lequel nous vivons exige que des voix s'élèvent, que les leaders des différentes religions s'unissent toujours plus pour lutter contre l'égoïsme, l'individualisme, l'instrumentalisation de l'homme et de la femme, l'oubli de la valeur inconditionnelle de chaque vie. J'ai été très frappé lors de notre séjour en Corée du Sud, de voir, au cœur d'une immense mégapole comme Séoul, des gens rassemblés pour prier, méditer, se recueillir. Des temples bouddhistes au milieu des buildings et du chaos de la circulation accueillaient une foule vivante de pratiquants. Il ne s'agit pas forcément d'un idéal lointain mais d'une solidarité à tisser ici et maintenant, entre les différents pratiquants des religions mais aussi avec les agnostiques, les athées pour voir que ce qui nous rapproche est toujours plus grand, plus profond que ce qui nous sépare.

Des lieux, des personnages présentés vous ont-ils marqué ?

Cette exposition est magnifique, ma culture religieuse est bien limitée. Je n'ai effectué que quelques voyages à travers l'Asie et l'Europe. Ce qui m'a frappé, ce sont ces visages tournés vers l'essentiel. Emprunter des voies spirituelles, c'est inévitablement se rapprocher les uns des autres. L'exposition a, pour moi, une vocation prophétique. Elle montre que la transcendance, l'expérience de chacun se partage. Dès qu'il y a accaparement, fixation, revendication haineuse, on s'éloigne de l'intériorité. En ce sens, tout lieu saint me marque, m'invite à déposer ce que je crois savoir, les concepts, les a priori pour entrer en dialogue.

Qu'avez-vous envie de raconter aux gens qui suivront votre visite ?

J'ai tenté, durant trois ans en Corée du Sud, de mettre humblement mes pas dans ceux du Bouddha et du Christ. J'ai rencontré des pratiquants des deux traditions aller main dans la main dans un dialogue profond et nourrissant. Sans tomber dans le syncrétisme qui mélange tout et qui oublie la singularité de chacun, je pense qu'une pratique spirituelle peut s'abreuver à plusieurs sources. C'est ce thème que j'aimerais développer, ce chemin plus riche que l'ego auquel chacun de nous est appelé. Les religions ne sont pas des prisons, elles ne conduisent pas vers une destination préfabriquée mais elles ouvrent des possibilités immenses.