La France est mouvement.
Ses frontières dites naturelles et qu’on voit si bien d’avion ne se sont stabilisées que très tardivement. Mais elles sont trompeuses. Car les frontières de la France ne sont pas celles de notre hexagone. Elles sont celles de nos territoires de l’Océan indien ou atlantique. Elles sont celles aussi de notre langue, dans ce vaste espace qu’on appelle francophonie. Jamais la France n’a voulu se fixer de limites strictes. Telle est la racine de son universalisme.
Elle est depuis la nuit des temps un pôle magnétique. Migrations, immigrations ont pétri sa physionomie. Ses migrations longtemps ont été régionales, ou transfrontalières. Puis plus lointaines. Elles ont été le fruit de conquêtes, puis de colonisations. Nous avons sans cesse agrandi les distances. Les différences. Et toujours nous avons accueilli.
De chacun de ses nouveaux arrivants, la France a tiré l’énergie de son projet commun. Sans ce renouvellement constant de soi-même, sans cette capacité à se confronter sans cesse à l’autre, qu’il soit d’une région de France au patois étranges, d’un pays d’Europe à la langue méconnue, d’une région du monde aux usages mystérieux, nous n’aurions pu forger ces idéaux inédits, ces utopies fécondes, ces découvertes audacieuses qui sont notre force. Le timbre immédiatement reconnaissable de la France dans le concert des nations est cette assimilation de voix plurielles.
Je me réjouis que le projet novateur que fut ce Musée de l'histoire de l’Immigration fête ses dix ans. Dix ans, c’est long. Ce sont beaucoup de défis relevés. De doutes surmontés. Mais c’est aussi le début de l’histoire. Les projets ne manquent pas. Notre monde redonne à la question migratoire une actualité ardente et nous interroge sur notre capacité à accueillir l’autre, venu de loin.
Accueillir l’autre est depuis toujours ce qui vérifie les forces profondes des peuples. Il n’est pas de grand peuple sans hospitalité, sans capacité à enraciner ceux qui ont tout perdu, sans faculté à surmonter sa peur de l’inconnu. Nous sommes une grande nation parce que nous ne redoutons pas l’épreuve de l’altérité. Mieux, nous en tirons le meilleur.
Ce musée prend en charge une mémoire française nécessairement complexe. Conflictuelle souvent. Douloureuse parfois. Mais il nous démontre combien la France n’est pas le pays des rivalités ni des luttes de mémoire, mais le pays de leur réconciliation et de leur coopération. Il est le miroir tendu à un pays qui parfois brûle de querelles et qui cependant trouve, avance et construit.
Je félicite Mercedes Erra, Hélène Orain et Benjamin Stora du travail considérable qu’ils ont accompli, avec un sens constant de leur mission au service du public et de notre histoire nationale.
Je souhaite que nos compatriotes puissent encore longtemps se regarder dans ce miroir, si instructif, si utile. Longue vie donc au Musée de l’histoire de l’Immigration.
Bon anniversaire.