Le monument
Le Palais de la Porte Dorée a été construit à l'occasion de l’Exposition coloniale internationale de 1931. Sa vocation première fut d’être un musée des colonies, devant représenter les territoires, l’histoire de la conquête coloniale et son incidence sur les arts. L’Aquarium tropical a également été créé pour l’Exposition, afin de présenter la faune aquatique des colonies. Il n’a jamais cessé son activité.
Le Palais de la Porte Dorée a changé plusieurs fois d’affectation. En 1990, il devient le Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie, avec pour mission la conservation des témoignages de l’histoire coloniale et la diffusion des arts non occidentaux. Ses collections ont été transférées au musée du quai Branly - Jacques Chirac inauguré en 2006. Depuis 2007, le Palais abrite le Musée national de l'histoire de l'immigration.
En 1987, le caractère artistique et historique du bâtiment est reconnu et protégé : le monument est inscrit au titre des monuments historiques. Certaines parties sont même classées, notamment les façades, le hall d’honneur, les salons et la salle des fêtes, devenue le « Forum ». Véritable « joyau de l’Art déco », le monument est caractéristique de l'architecture Art déco, mouvement artistique qui s’est développé entre 1910 et 1940 avec la stylisation des formes, la pureté des lignes géométriques, les grands volumes et la symétrie des espaces.
Un monument à trois dimensions
Son histoire le consacre aujourd’hui comme « monument monumental », « monument historique » et « monument commémoratif », trois dimensions qui supposent des récits, des dynamiques d’animation et de démarches de valorisation différentes.
En tant que monument monumental, il constitue un joyau du patrimoine Art Déco parisien, au point d’être considéré de manière unanime comme l’un des ensembles années 30 les plus remarquables de Paris. L’architecte Albert Laprade (1883-1978) l’a conçu comme une œuvre d'art totale, typique de l'Art déco, avec l'utilisation des arts décoratifs comme un élément indissociable de l'architecture, décor et mobilier étant mis au même niveau que les éléments architecturaux, à la fois en termes de qualité des matériaux et de mise en valeur d’un artisanat du luxe. Laprade a fait appel aux grandes figures artistiques de son époque pour sculpter le plus grand bas-relief d’Europe, peindre les fresques qui ornent les murs ou dessiner le mobilier exceptionnel en bois exotique qui décore les salons historiques. Le monument peut être assimilé à un catalogue des meilleurs artistes de l’Art déco ! Tous les arts décoratifs sont sollicités dans une démarche cohérente et globale pour une œuvre collective : ébénisterie, sculpture, ferronnerie, mosaïque, fresque, peinture, verrerie... De nombreux artistes appartenant au courant de l’époque y ont laissé leur empreinte, à l’extérieur comme à l’intérieur : Brandt, Schenk, Bagués, Poillerat et Prouvé pour les ferronneries, Subes pour les lampadaires, Dunand pour les laques, Ducos de la Haille, Bouquet et les Lemaitre pour les fresques, ou encore Ruhlmann et Printz pour les deux salons d’angle.
Des actions sont d’ores et déjà engagées pour valoriser ce patrimoine exceptionnel : la mise en valeur de la façade et de ses bas-reliefs sculptés, du Hall d’honneur et des salons historiques, mais également la reconstitution de la bibliothèque conçue par Laprade.
Musée depuis son origine, le Palais de la Porte Dorée incarne aujourd’hui un témoignage précieux de la conception muséographique d’une époque où ce type d’établissement jouait un rôle central dans la diffusion et le partage des connaissances. En tant que tel, il constitue lui-même un objet de collection, en ayant conservé sa fonctionnalité et ses dispositions d’origine, matérialisées par des objets mobiliers, des peintures, des fresques, mais également des dioramas, aujourd’hui encore conservés dans ses espaces. La visite du Palais de la Porte Dorée est ainsi un véritable parcours muséal sur l’écriture muséale. Sa morphologie, les œuvres créées lors de sa construction, les circulations et parcours qu’il propose sont le reflet d’intentions culturelles et politiques d’une période, aujourd’hui révolue, mais constitutive d’une réflexion continue sur la culture et sa diffusion. Cette dimension le consacre en tant que monument historique.
La mission de conservation du monument historique consiste à conduire des opérations de travaux de restauration du bâtiment, à conserver les objets mobiliers et œuvres culturelles présents depuis sa conception.
Héritage direct de la période coloniale, le Palais de la Porte Dorée s’est chargé naturellement d’une identité de monument commémoratif, témoin vivant de l’idéologie dominante et de la géopolitique de la France qui ont façonné un pan de son histoire commune. Présente jusque dans ses éléments les plus structurants - notamment ses bas-reliefs extérieurs et ses fresques intérieures - cette dimension peut être facilement minorée si aucun effort particulier portant sur sa mise en avant ou sur la diffusion de récits y afférant n’est poursuivi.
Pour cette dimension du monument, l’expérience viendra d’une immersion critique dans l’époque qui a façonné sa construction et les messages qu’il porte. À l’image de différents parcours déjà mis en place, elle sera enrichie d’une appropriation du lieu par chacune et chacun, en comprenant mieux le monument, en décryptant son empreinte architecturale, coloniale et artistique, et sa résonance à travers les époques. Le festival architecture et performances L’Envers du décor propose tous les ans à travers le regard d’artistes de transformer le regard porté sur le Palais de la Porte Dorée, en attirant l’attention du public sur cet édifice encore méconnu, de valoriser son architecture et de se réapproprier son histoire originelle pour mieux la mettre en débat.
Aujourd’hui, le Palais de la Porte Dorée, au-delà de sa valeur patrimoniale, est un lieu vivant et accueillant, un lieu d’expériences pour le public, avec une large palette d’événements culturels, qui impliquent tous les champs des arts vivants : danse, théâtre, musique, cirque, performance, spectacles jeune public, installation, vidéo, arts de la rue, arts visuels, marionnettes, architecture, design, mode... Cette autre approche à travers le regard et la parole des artistes permet d’aborder de façon vivante et sensorielle les grandes thématiques de l’Établissement (diversité, identité plurielle, racisme, discrimination, immigration, exil, colonisation, Arts déco, environnement, biodiversité…).