Dossier

Quel futur pour les JO ?

Cet été, Paris accueille des Jeux Olympiques et paralympiques qui se veulent paritaires, inclusifs et plus respectueux de l’environnement. L’exposition Olympisme, une histoire du monde vous invite à découvrir comment ces sujets de société ont traversé les Jeux. Au point de questionner leur modèle et d’envisager leur profonde transformation pour les prochaines décennies.

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Imaginer les épreuves du futur : le robot coach
Imaginer les épreuves du futur : le robot coach
© Bureau des possibles

Des Jeux avec moins, mieux et qui laissent un héritage.

Traduire par des olympiades moins coûteuses, plus écologiques, plus inclusives et laissant une marque durable et positive dans le territoire. C’est la promesse de Paris pour les Jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) d’été. La capitale française sait qu’elle est attendue au tournant pour redorer l’image de Jeux de plus en plus contestés dans l’opinion publique. L’argumentaire de Paris 2024 s’est bâti en réponse à des critiques anciennes pour certaines, comme son impact environnemental. Mais les réticences face à ce méga-événement regardé par trois milliards de téléspectateurs prennent depuis quelques éditions une ampleur inédite. D’ailleurs, les candidats se font rares : pour 2024, les villes de Rome, Boston, Budapest et Hambourg se sont désistées face à l’opposition de leurs populations, laissant Paris et Los Angeles seules en lice.

À travers plus de 600 œuvres, documents, objets et images, l’exposition Olympisme, une histoire du monde raconte comment cette manifestation planétaire a été la vitrine, voire le catalyseur des combats et préoccupations sociétaux.

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Public
Public dans l'exposition "Olympisme, une histoire du monde"
Photo : Anne Volery © Palais de la Porte Dorée
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Public in the “Olympism, a world history” exhibition "
Public dans l'exposition "Olympisme, une histoire du monde"
Photo : Anne Volery © Palais de la Porte Dorée

Chasser les « éléphants blancs »

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Maquette du stade olympique de Montréal, 1976. Exposition Olympisme, une histoire du monde.
Maquette du stade olympique de Montréal, 1976. Exposition Olympisme, une histoire du monde.
Photo : Anne Volery © Palais de la Porte Dorée

Premier sujet récurrent : le coût de l’événement, qui en réserve l’attribution quasi exclusive aux pays occidentaux. Les villes et pays organisateurs ont en tête les JO de Montréal (1976) et plus encore ceux d’Athènes (2004) au budget prévisionnel largement dépassé. Selon les études, l’événement, en augmentant la dette nationale, a contribué au naufrage économique de la Grèce lors de la crise financière survenue quatre ans plus tard.

Définition du mot « éléphant blanc » et moyens de financement

Mais alors qui devrait payer les Jeux ? L’idée d’un recours au privé a émergé précocement comme le montre dans l’exposition une photo en noir et blanc de Mickey surplombant un stade. « Les Jeux de 1932 à Los Angeles sont les premiers à être financés exclusivement par des fonds privés, sur fond de crise économique », rappelle Elisabeth Jolys-Shimells, cheffe du service des collections au Musée et l’une des commissaires de l’exposition. Consolidé dans les années 1990, le modèle économique olympique actuel est basé sur la sponsorisation et la cession des droits de retransmission. Toutefois, le contribuable demeure sollicité, notamment pour la construction des infrastructures. Après des années de surenchère, la chasse aux « éléphants blancs » est aujourd’hui devenue une nécessité. Le terme désigne les installations sportives devenues inutiles après la quinzaine olympique, du fait d’une taille ou de coûts d’entretien démesurés. L’animal court encore à Athènes (2004) mais aussi à Rio (2016). De même les JOP sont-ils désormais attendus, depuis Londres 2012, sur leur responsabilité sociale et environnementale. Cela passe par le réemploi maximal des équipements existants et par des politiques publiques surfant sur l’effet d’entraînement des Olympiades.

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Athènes 2021. Les sites des Jeux Olympiques de 2004 sont désormais abandonnés et interdit d'accès
Athènes 2021. Les sites des Jeux Olympiques de 2004 sont désormais abandonnés et interdit d'accès et des agents de sécurité contrôlent leur accès nuit et jour . Ici à l'image le stade de Volleyball. Reportage Omnisports Magazine en 2021. Photographe Sébastien Leban
© PresseSports

Selon le concept d’heritage (« patrimoine » en français) forgé par le CIO, les infrastructures construites doivent profiter durablement au pays hôte. Un exemple est souvent cité, celui de Barcelone (1992) « catalyseur du réaménagement urbain dans le but d’acquérir une réputation mondiale », écrit Sven Daniel Wolf dans le catalogue de l’exposition. C’est le pari de Paris 2024 pour la Seine-Saint-Denis. À Londres, les Jeux ont permis d’accélérer la rénovation du quartier déshérité de Stratford, au point d’en chasser aujourd’hui les populations les plus modestes…

Le marathon de la parité

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Deuxième édition des Olympiades féminines organisée par Alice Millat à Monaco (1922) – épreuve du 74m haies.
Deuxième édition des Olympiades féminines organisée par Alice Millat à Monaco (1922) – épreuve du 74m haies.
Agence Rol © Bibliothèque nationale de France

S’il est un sujet qui fait la fierté des organisateurs de Paris 2024, c’est bien celui de la parité. Pour la première fois, il y aura autant de femmes que d’hommes en compétition. En 1900 où elles concouraient pour la première fois, les femmes ne représentaient que 2 % des participants, 23 % à Los Angeles en 1984, 44 % à Londres en 2012. Pourtant, le combat fut engagé très tôt rappelle l’exposition qui invite à découvrir l’histoire des pionnières bien décidées à entrer elles aussi dans l’arène olympique. À commencer par Alice Milliat. « Elle fut notamment l’organisatrice dès 1922 des Jeux internationaux féminins de Paris. Le sport féminin lui doit tout », résume la journaliste Valérie Domain, fondatrice du média digital ÀBLOCK! consacré au sport féminin.

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Prithika Pavade, championne de tennis de table en février 2024
Prithika Pavade, championne de tennis de table en février 2024
© Yutaka/AFLO/Presse Sports

Pourtant, au-delà de la simple parité en termes de nombre d’athlètes, il reste encore bien des combats. Celui de la visibilité des compétitions féminines, des inégalités de rémunération des sportives professionnelles, du manque de femmes dans les instances sportives. « La pratique amateure féminine est également bien moins répandue que celle des hommes », souligne Valérie Domain, qui espère inspirer ses semblables en racontant les défricheuses contemporaines, de la lutteuse de sumo Kon Hiyori à la breakeuse Nacéra Guerra.

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 Paul Reinmund remporte le 200 mètres en athlétisme aux Jeux internationaux des sportifs silencieux du 10 au 17 août 1924
Paris, Jeux Silencieux : Paul Reinmund remporte le 200 mètres en athlétisme aux Jeux internationaux des sportifs silencieux du 10 au 17 août 1924
© Presse Sports

L’inclusivité fait également partie des promesses de Paris 2024. Une volonté traduite notamment par un emblème commun aux Jeux Olympiques et Paralympiques. C’est une première. Olympisme, une histoire du monde retrace par ailleurs le parcours de différentes communautés pour participer aux Jeux ou créer leur propre compétition sur le modèle olympique. Ainsi les Deaflympics réservés aux athlètes sourds sont-ils nés en 1924 !

Des inégalités dans le modèle olympique actuel ?

Le chercheur en handisport et ancien athlète Didier Séguillon souligne que le modèle olympique actuel n’est pas inclusif. « Il est élitiste et exclusif dès lors qu’il valorise une performance, un classement. Par ailleurs pour être inclusif, il faudrait que tous les athlètes s’affrontent dans les mêmes conditions, ce qui n’est pas le cas ». Impossible pour le CIO de démultiplier les compétitions en fonction du type de handicap, malgré la demande des athlètes... Didier Séguillon pointe aussi les inégalités liées au matériel qui révolutionne depuis quelques années les handisports. « Ces aides techniques renforcent la domination des pays du Nord car aucun pays du Sud n’a les moyens de financer prothèses et autres lames en titane. »

L’arrivée de l’e-sport ?

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Stade cinéma immersif
Du cinéma immersif pour imaginer des jeux de demain. Tiré des ateliers de design fiction.
© Bureau des possibles

En amont de l’exposition et pour constituer sa dernière section, des volontaires ont été invités à imaginer au Palais avec le Bureau des possibles, le visage futur des Jeux. Sans spectateurs, comme à Tokyo en plein Covid ? Multisite ? Plus frugaux ? L’une des pistes récurrentes est celle de l’e-sport (jeux en ligne) avec lequel le CIO a initié un rapprochement récent. Il a notamment soutenu en 2021 les Olympic Virtual series où des candidats se sont affrontés en ligne en baseball, aviron, voile, cyclisme et course automobile.

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Vue des salles de l'exposition "Olympisme, une histoire du monde"
Vue des salles de l'exposition "Olympisme, une histoire du monde"
Photo : Anne Volery © Palais de la Porte Dorée

Mais l’événement a déçu les fans. « Les jeux les plus populaires, à savoir des jeux de combat en équipe, avec une vraie communauté derrière, n’y étaient pas parce qu’ils sont contraires à l’éthique du CIO, explique Florian Lefebvre, chercheur en e-sport. En Asie, celui-ci est déjà médaillable dans les grandes compétitions telles que les Jeux asiatiques et les Jeux d’Asie du Sud-est. » Du côté du CIO, les sports dits « actifs virtuels » (comme Just dance où l’on danse devant un écran) semblent avoir plus de chance d’intégrer les disciplines olympiques que le jeu de tir Fortnite.

Face aux avalanches de critiques, aux défis environnementaux et à la raréfaction des villes candidates, quels Jeux pour demain ? C’est la question posée aujourd’hui aux organisateurs et elle clôt l’exposition Olympisme, une histoire du monde. Les JOP semblent voués à se réinventer, comme tout au long de leur histoire.

À quoi ressembleront les Jeux olympiques en 2040 ?

C’est l’exercice auquel s’est prêté le Musée avec quelques complices issus du monde du sport, de la recherche et de l’art, dans des ateliers de Design fiction. La sélection de photos tirées de ces ateliers à retrouver ci-dessous.

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Imaginer les épreuves du futur : le Jetpack Volley
Imaginer les épreuves du futur : le Jetpack Volley. Tiré des ateliers de design fiction.
© Bureau des possibles
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Imaginer les épreuves du futur : le Bubble Sprint
Imaginer les épreuves du futur : le Bubble Sprint. Tiré des ateliers de design fiction.
© Bureau des possibles
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Publicité jeux immersifs
Imaginer les épreuves du futur : une publicité pour jeux immersifs. Tiré des ateliers de design fiction.
© Bureau des possibles
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Vestiaires mixtes
Imaginer les épreuves du futur : des vestiaires mixtes. Tiré des ateliers de design fiction.
© Bureau des possibles
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Tir à la corde
Imaginer les épreuves du futur : le tir à la corde harmonieux. Tiré des ateliers de design fiction.
© Bureau des possibles
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Jeux inclusifs
Imaginer les épreuves du futur : les Jeux inclusifs. Tiré des ateliers de design fiction.
© Bureau des possibles