Parcours

51968-1988 : Vers un monde olympique multipolaire

Dans les années 1970 et 1980, les stratégies d’image et les événements qui entourent les Jeux Olympiques témoignent de l’émancipation politique et économique de nouvelles nations, ainsi que de la multiplication des tensions internationales. 

En 1972, les Jeux de Munich, censés représenter une nouvelle Allemagne en voie de réconciliation entre l’Est et l’Ouest, sont endeuillés par un attentat perpétré dans le cadre du conflit israélo-palestinien. Jamais les Jeux n’avaient pris une dimension aussi tragique. Quatre ans plus tard, à Montréal, les Jeux Olympiques sont l’objet du premier boycott massif de l’histoire olympique : pour s’opposer à la présence de la Nouvelle-Zélande, qui a accueilli l’équipe de rugby de l’Afrique du Sud de l’apartheid, la quasi-totalité des pays africains refuse d’y participer. La puissante chambre d’écho médiatique des Jeux permet alors l’obtention d’une audience internationale pour lutter contre le système raciste sud-africain. 

Les Jeux Olympiques de Moscou en 1980 sont à leur tour boycottés par les États-Unis et leurs alliés afin de protester contre l’invasion de l’Afghanistan par l’URSS en 1979. Quatre ans plus tard, l’URSS et leurs alliés refusent de se rendre à Los Angeles. Sur fond de tensions Nord-Sud en Corée, les Jeux de Séoul en 1988 préfigurent paradoxalement la fin de la Guerre froide, et annoncent l’ère de la mondialisation marchande des Jeux Olympiques.

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Elément graphique : piste de sport
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Elément graphique : Munich 1972

De la joie à la terreur

Les Jeux Olympiques de 1972, attribués à Munich, doivent faire oublier ceux de 1936 organisés par les nazis. Sous le slogan des « Jeux de la joie », l’identité graphique proclame l’avènement d’une Allemagne de l’Ouest moderne et démocratique. La première mascotte olympique, le teckel Waldi, est déclinée à l’envi : peluche, jouet à roulettes, portemanteau… La République fédérale d’Allemagne investit massivement pour rénover les infrastructures existantes et en construire de nouvelles, comme le Parc olympique. Sur le plan politique, le chancelier Willy Brandt considère que les Jeux doivent permettre un rapprochement avec la République démocratique allemande, s’inscrivant dans l’Ostpolitik lancée en 1969, qui, tout en reconnaissant l’existence de deux États allemands, vise à normaliser leurs relations. 

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 Le Carnage », Une du journal France Soir, 6 septembre 1972
Munich 1972. « Le Carnage », Une du journal France Soir, 6 septembre 1972
© Collection Groupe de recherche Achac

Un requin en or : Mark Spitz

Remportant sept médailles d’or, le nageur américain Mark Spitz s’impose comme la grande figure sportive de ces Jeux. Après des résultats en demi-teinte à Mexico, Mark « The Shark » (« le requin ») arrive à Munich avec un esprit revanchard illustré par sa moustache, qu’il arbore en réaction à l’interdiction de la porter dans son université. Après l’attentat contre l’équipe israélienne, Mark Spitz est exfiltré par les services de sécurité de son pays, craignant que sa confession juive en fasse une cible. 

Mort sur les Jeux

L’attaque terroriste du 5 septembre 1972, perpétré par le commando palestinien « Septembre noir » contre la délégation israélienne, constitue un traumatisme à la mesure de la sidération qu’elle provoque. La mort de onze athlètes israéliens suscite un émoi international accru par la décision du président du CIO, Avery Brundage, de poursuivre les compétitions. Sa formule, « The Games must go on », est perçue comme du cynisme face à la gravité des événements et du mépris à l’égard des victimes.

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Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :

https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1969-1996#1972

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Elément graphique : Montréal 1976

Boycott apartheid !  

Depuis 1963, la voix des pays africains, récemment indépendants, est portée par l’Organisation de l’unité africaine (OUA). Celle-ci lutte contre le régime sud-africain et sa politique raciste, l’apartheid. Sur le plan sportif, le CIO a exclu l’Afrique du Sud des Jeux Olympiques depuis plusieurs années, mais il ne sanctionne pas les pays qui poursuivent des relations sportives avec elle. C’est le cas de la Nouvelle-Zélande, dont l’OUA demande, quelques jours avant le début de l’événement, l’exclusion des Jeux de Montréal, menaçant d’un boycott des pays membres de l’organisation. De nombreuses délégations sont déjà sur place, et la demande d’exclusion n’aboutissant pas, ce sont finalement 22 gouvernements africains qui imposent à leur équipe de plier bagage sans prendre part aux épreuves. 

Une facture scandaleuse

Les Jeux de Montréal ont coûté 1,65 milliard de dollars, somme que la ville ne finira de payer que trente ans plus tard, en 2007. Une partie des dépenses est consacrée à la sécurité, considérablement renforcée depuis l’attentat de Munich. Mais surtout, le maire Jean Drapeau veut faire de sa ville une capitale mondiale, avec de gigantesques infrastructures sportives. Cette ambition est vivement critiquée, d’autant que seule une partie des installations, surdimensionnées pour une ville comme Montréal, pourra être encore exploitée après les Jeux. 

Nadia Comăneci : perfection sous contrôle

À seulement 14 ans, la gymnaste roumaine Nadia Comăneci est l’héroïne des Jeux de Montréal. Remportant cinq médailles, dont trois d’or, elle obtient pour la première fois 10, la note parfaite, à sept reprises. L’affichage n’ayant pas été conçu pour une telle note, l’écran affiche 1.0. Étroitement encadrée et érigée en modèle par la dictature de Nicolae Ceaușescu, qui lui décerne la médaille d’« Héroïne du travail socialiste », elle ouvre la voie à la participation de très jeunes gymnastes aux Jeux Olympiques. 

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Jeux Olympiques de Montréal (1976) - La gymnaste roumaine Nadia Comăneci obtient la note de 10/10, une première dans l’histoire des Jeux Olympiques
Jeux Olympiques de Montréal (1976) - La gymnaste roumaine Nadia Comăneci obtient la note de 10/10, une première dans l’histoire des Jeux Olympiques.
© AFP
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Jeux Olympiques de Montréal (1976) - La délégation éthiopienne quittant les Jeux Olympiques
Jeux Olympiques de Montréal (1976) - La délégation éthiopienne quittant les Jeux Olympiques
© Gabriel Duval / AFP
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Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :

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Elément graphique : Moscou 1980 - Los Angeles 1984

Deux Jeux, une Guerre froide

Les Jeux Olympiques de Moscou en 1980 et ceux de Los Angeles en 1984 correspondent à l’apogée de la Guerre froide sportive. Cet affrontement politique est largement mis en scène. Les États-Unis envisagent, dès 1978, de boycotter les Jeux de Moscou, afin de dénoncer le non-respect en URSS des droits humains. L’invasion soviétique de l’Afghanistan, en décembre 1979, en fournit le prétexte. 

En 1984, les Soviétiques annoncent en retour, à la dernière minute, leur non-participation aux Jeux Olympiques de Los Angeles. Souvent premiers au tableau des médailles lors des olympiades depuis 1952, ils auraient tout intérêt à venir triompher en Californie, mais ils craignent le passage à l’Ouest de leurs athlètes. 

De part et d’autre, les modèles économiques s’opposent. À Moscou, les Jeux sont organisés par l’État, qui investit massivement et autorise des concessions, pour combattre l’image austère de la vie en URSS : 478 magasins sont ouverts, et de nombreux produits dérivés siglés de l’ours Mischa sont commercialisés. À Los Angeles, les Jeux sont les premiers à être financés uniquement par le secteur privé, et les professionnels sont autorisés à participer. Démonstration de la puissance du système capitaliste, les Jeux de Los Angeles sont économiquement profitables. Les cérémonies d’ouverture incarnent également ces stratégies. Toutes deux grandioses, celle de Moscou présente de majestueux tableaux célébrant l’Union soviétique, alors que celle de Los Angeles déploie, dans une ambiance hollywoodienne, une ode au mode de vie américain et à la conquête de l’Ouest, avec une modernité pleinement assumée.

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Vue des salles de l'exposition Olympisme, une histoire du monde
Vue des salles de l'exposition Olympisme, une histoire du monde
© EPPPD-MNHI

Neroli Fairhall : une athlète paralympique et olympique

Paralysée après un accident, Neroli Fairhall participe en 1972 aux Jeux Paralympiques dans plusieurs disciplines, sans monter sur le podium. Elle choisit ensuite le tir à l’arc et remporte une médaille d’or aux Jeux Paralympiques de 1980. Elle voudrait participer la même année aux Jeux Olympiques, mais son pays, la Nouvelle-Zélande, les boycotte. C’est donc à Los Angeles en 1984 qu’elle devient la première personne porteuse de handicap à concourir aux Jeux Olympiques après avoir pris part aux Jeux Paralympiques.

En savoir plus sur Neroli Fairhall

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Affiche des premiers Gay Games, au premier plan Tom Waddell, initiateur du mouvement. 1982
Affiche des premiers Gay Games, au premier plan Tom Waddell, initiateur du mouvement. 1982
© Gay Games

Les premiers Gay Games, des Jeux pour tous

Les Gay Olympics s’ouvrent le 28 août 1982 à San Francisco, mais le comité olympique américain interdit l’usage du mot « olympique ». Ils deviennent, dans l’urgence, les Gay Games. Durant dix jours, les rencontres sportives rassemblent 1 350 athlètes venus d’une dizaine de pays sans distinction d’âge, de performance, d’origine ou de genre. L’idée de leur initiateur, Tom Waddell, qui a participé aux Jeux de 1968, est de lutter contre la haine et les discriminations envers les gays et les lesbiennes. 

Un geste qui en dit long

À Moscou, le Polonais Władysław Kozakiewicz (en savoir plus) remporte le concours du saut à la perche en battant le record du monde face au Soviétique Konstantin Volkov. Au public hostile, il adresse un bras d’honneur qui fera le tour du monde. L’URSS voit dans ce geste une insulte, et demande au CIO de retirer sa médaille au champion. Le gouvernement polonais refuse de sanctionner celui qui est élu sportif polonais de l’année. À l’Ouest, cette image symbolise la contestation qui bruisse dans cet État du bloc de l’Est. 

Une victoire pour ouvrir la voie

À Los Angeles, Nawal El Moutawakel devient, en remportant le 400 mètres haies, la première femme arabe, musulmane et marocaine médaillée d’or olympique et un symbole d’émancipation. Trois ans après, elle se reconvertit comme entraîneuse, puis elle devient vice-présidente de la Fédération royale marocaine d’athlétisme en 2007. Parallèlement, elle embrasse une carrière politique. Elle est d’abord secrétaire d’État, puis ministre de la Jeunesse et des Sports de 2007 à 2009, et enfin députée en 2016. 

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Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :

- Moscou :  https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1969-1996#1980

- Los Angeles : https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1969-1996#1984

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Elément graphique : Séoul 1988

La preuve par la Corée

La candidature de Séoul est portée par la forte croissance économique du pays. En revanche, l’instabilité politique de la Corée suscite des doutes. La Corée du Nord perçoit l’attribution des Jeux au Sud comme un affront, et demande à coorganiser l’événement. Devant l’échec des négociations, elle annonce son boycott et tente de déstabiliser son voisin du Sud par un attentat qui provoque l’explosion d’un avion de la Korean Air en novembre 1987. Le régime sud-coréen doit également faire face à un mouvement de contestation interne qui revendique la démocratie et l’accès aux libertés essentielles. Pour calmer la situation, des élections sont organisées, qui conduisent le pays sur une voie démocratique et libérale. Les Jeux Olympiques de Séoul sont placés sous le signe de la paix et de l’unité, comme l’exprime le thème musical officiel. 

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Vue des salles de l'exposition Olympisme, une histoire du monde
Vue des salles de l'exposition Olympisme, une histoire du monde

Sergueï Bubka : sur le toit du monde

Né à Louhansk dans l’est de Ukraine, Sergueï Bubka se distingue par ses performances au saut à la perche. S’il ne participe pas aux Jeux en 1984 en raison du boycott soviétique, il remporte plusieurs titres internationaux et améliore régulièrement le record du monde, au-delà des six mètres. Aux Jeux de Séoul, il gagne la médaille d’or avec un saut de 5,90 mètres. Il devient une véritable star médiatique mondiale sous les couleurs de l’Ukraine après le démembrement de l’URSS en 1991, puis membre du CIO. 

Ben Johnson : un scandale qui ouvre les yeux

Le sprinteur canadien Ben Johnson fait sensation lorsqu’il remporte la médaille d’or et bat le record du monde du 100 mètres, devant la star Carl Lewis. Mais deux jours après, il est disqualifié après un contrôle antidopage positif. Des cas de dopage sont décelés aux Jeux Olympiques depuis la mise en place des tests à Mexico en 1968, mais jusqu’alors, la complaisance était de mise. Cette fois, la résonance médiatique du scandale contribue au renforcement des sanctions à l’égard des athlètes dopés, considérés comme des tricheurs. 

Champion à quatre jambes

Cheval a priori trop petit pour le saut d’obstacles et doté d’un caractère difficile, Jappeloup de Luze déplaît de prime abord au cavalier français Pierre Durand, avant que celui-ci décide finalement d’en devenir le propriétaire. Si le couple parvient à se qualifier aux Jeux de Los Angeles, Jappeloup y refuse un obstacle et s’enfuit vers les écuries, laissant son cavalier à terre. En revanche, à Séoul, quatre ans plus tard, il réalise un sans-faute magistral, offrant la médaille d’or à son cavalier. Il devient une star à l’égal des athlètes humains. 

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https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1969-1996#1988

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Elément graphique : piste de sport