61988-2008 : Un nouveau siècle olympique
La chute du mur de Berlin en 1989, suivie de la réunification des deux États allemands, marque la fin de la Guerre froide. Après l’éclatement du bloc soviétique, les États-Unis reprennent la tête du palmarès des nations sportives. L’entrée dans une nouvelle ère résulte aussi de l’abolition de l’apartheid et de la libération de Nelson Mandela en Afrique du Sud, tandis que les Jeux Olympiques de Barcelone en 1992 consacrent un modèle commercial et médiatique. Les Jeux d’Atlanta, organisés en 1996, constituent à cet égard un tournant majeur de l’organisation des Jeux Olympiques, avec une présence accrue des marques.
Le XXe siècle se termine avec les Jeux de Sydney, en 2000, qui doivent manifester la réconciliation avec les peuples aborigènes. Un an plus tard s’ouvre une nouvelle phase de tensions internationales, avec les attentats du 11 septembre 2001 à New York. Soumis à une forte pression sécuritaire, les Jeux Olympiques d’Athènes en 2004 se révèlent un fardeau qui plombe une économie déjà fragile.
Épargnés par la crise financière qui frappe l’Occident, les Jeux de Pékin, en 2008, sont le théâtre d’une démonstration de force de la Chine. Le choix contesté d’un pays qui réprime les populations ouïghoures et tibétaines comme ses opposants politiques place le CIO devant une question restée longtemps tabou : peut-on encore défendre l’apolitisme olympique ?
Un nouveau monde olympique
Modernisée par les investissements engagés pour accueillir les Jeux, Barcelone reçoit en 1992 un monde transfiguré. La fin de la Guerre froide avec la dislocation de l’URSS a pour conséquence de réunir douze anciennes Républiques socialistes soviétiques sous le drapeau olympique et l’appellation de Communauté des États indépendants (CEI). Le régime communiste de Cuba, qui souffre de l’arrêt de l’aide économique de Moscou, mais qui poursuit une politique sportive volontariste, envoie une délégation qui ramène 31 médailles. Un autre pays retrouve sa place au milieu des nations olympiques : l’Afrique du Sud. Celle-ci est réintégrée quand les lois piliers de l’apartheid sont abolies à l’été 1991. Libéré après 27 ans de détention, Nelson Mandela siège à la tribune de la cérémonie d’ouverture.
Juan Antonio Samaranch, l’entrepreneur du CIO
« Le CIO est aujourd’hui plus fort et plus respecté que jamais dans le monde », déclare en 1992 son président Juan Antonio Samaranch. L’organisation des Jeux Olympiques dans sa ville natale illustre cette affirmation de puissance, liée à la transformation qu’il a engagée du CIO, faisant des Jeux Olympiques une vaste et juteuse entreprise commerciale. Cette « révolution Samaranch » est marquée par la professionnalisation des athlètes et la commercialisation des Jeux au travers du sponsoring, du merchandising et des droits télévisés.
La Dream Team, ou des stars professionnelles aux Jeux
Après la suppression officielle de l’amateurisme en 1981, la Dream Team (équipe de rêve) est, en 1992, le symbole de la professionnalisation des Jeux. Les joueurs de l’équipe des États-Unis de basketball évoluent en NBA, le championnat professionnel américain considéré comme le meilleur au monde. Elle rassemble des vedettes, tels Michael Jordan, Larry Bird ou encore Magic Johnson. L’équipe américaine écrase littéralement tous ses adversaires, contribuant à populariser le basket dans le monde et à apporter un nouvel éclat aux Jeux Olympiques.
Deux femmes pour un espoir
La finale du 10 000 mètres féminin délivre l’une des images les plus fortes de l’histoire des Jeux Olympiques. La victoire se joue entre la Sud-Africaine blanche Elana Meyer (en savoir plus) et l’Éthiopienne noire Derartu Tulu (en savoir plus), qui remporte l’épreuve. Après l’arrivée, les deux femmes tombent dans les bras l’une de l’autre et improvisent un tour d’honneur commun. Cette image de fraternité devient symbolique dans le monde entier. L’Afrique du Sud y trouve l’occasion de marquer une nouvelle ère, celle de la « nation arc-en-ciel ».
Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :
https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1969-1996#1992
Une ville aux deux visages
Choisir Atlanta plutôt qu’Athènes pour le centenaire des Jeux Olympiques fait polémique. La ville est le siège social de Coca-Cola, sponsor historique des Jeux et de nombreuses multinationales. Ce choix est stratégique pour le CIO, qui souhaite lancer un « nouveau siècle olympique ». L’impression se répand que les Jeux Olympiques sont devenus principalement une affaire d’argent au détriment des moins favorisés. L’aménagement des sites olympiques en centre-ville conduit au déplacement vers les périphéries de populations souvent issues des minorités. En contrepoint, la cérémonie d’ouverture célèbre la lutte pour les droits des Africains-Américains, avec un spectacle dédié à Martin Luther King, natif d’Atlanta. Mohamed Ali, militant historique pour les droits civiques, alors atteint de la maladie de Parkinson, allume la vasque.
Les Jeux pour cible
Dans la nuit du 27 juillet 1996, une bombe artisanale explose au milieu de la foule dans le parc olympique, le Centennial Park. Le bilan est de deux morts et 110 blessés. Les Jeux continuent néanmoins, scandés par des moments de silence en hommage aux victimes. Héros puis suspect, l’agent de sécurité Richard A. Jewell est innocenté au terme d’une enquête très médiatisée. Le coupable, un terroriste d’extrême droite, ciblait les « idéaux du socialisme mondialisé » portés, selon lui, par les Jeux Olympiques.
Marie-José Pérec et Laura Flessel : chanpyon’
Alors que les femmes représentent pour la première fois plus d’un tiers des athlètes, deux Françaises marquent de leur empreinte l’Olympiade américaine : Marie-José Pérec et Laura Flessel, toutes deux natives de la Guadeloupe, où le terme « championne » se dit en créole « chanpyon’ ». Marie-José Pérec, porte-drapeau de la délégation française, remporte la médaille d’or sur 400 mètres et sur 200 mètres. « La Guêpe » Laura Flessel conquiert l’or à l’épée en individuel et en équipe.En savoir plus sur Marie-José Pérec et Laura Flessel
Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :
https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1969-1996#1996
Le vernis de l’unité
Les Jeux Olympiques de Sydney sont l’occasion pour le gouvernement australien de rendre visible aux yeux du monde le processus de réconciliation engagé avec les populations natives d’Australie : les peuples aborigènes et du détroit de Torres. La cérémonie d’ouverture est un hommage à l’histoire de l’Australie et à la culture aborigène, célébration perçue par certains comme une folklorisation. Pendant les Jeux, ceux qui luttent pour les droits des peuples autochtones font entendre leur voix et dénoncent des inégalités persistantes. La cérémonie de clôture est marquée par le geste du groupe de rock Midnight Oil, qui arbore des tee-shirts portant le message « Sorry », excuse à destination des Pintupi, victimes de spoliations et de massacres lors de la colonisation, évoqués dans la chanson « Beds are Burning ».
Cathy Freeman : tout un symbole
Aborigène originaire du Queensland, Cathy Freeman est l’héritière des « générations volées » auxquelles appartient sa grand-mère, arrachée à sa famille pour être élevée parmi les Blancs. Elle est choisie pour allumer la flamme et incarner une Australie réconciliée. Son geste le plus marquant, âprement discuté au préalable entre les dirigeants australiens et le CIO, est le tour d’honneur après sa victoire sur 400 mètres où elle brandit à la fois le drapeau australien et le drapeau aborigène, reconnu depuis cinq ans seulement.
Les Jeux paralympiques, une reconnaissance mondiale
Les Jeux Paralympiques de Sydney, en 2000, changent les regards en raison d’un niveau sportif exceptionnel et d’une reconnaissance grandissante. Si, depuis Séoul en 1988, ils se tiennent sur les mêmes sites que les Jeux Olympiques, en rassemblant 3 879 athlètes de 123 pays avec 18 sports au programme, l’édition de l’an 2000 marque un tournant. Un million deux cent mille tickets d’entrée sont vendus tandis que 300 millions de téléspectateurs suivent les compétitions à la télévision.
Présence olympique, reconnaissance politique
En 1999, un an avant les Jeux, un référendum d’autodétermination engage le processus d’indépendance du Timor oriental, colonisé par le Portugal jusqu’en 1975, puis occupé par l’Indonésie. Administré par les Nations Unies, le territoire ne remplit pas les critères pour une reconnaissance olympique. Cependant, sur demande de l’ONU et de l’Australie, très impliquée dans la force internationale de paix, le CIO autorise le Timor oriental à envoyer une délégation aux Jeux, au titre d’athlètes olympiques individuels.
Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :
https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1997-2024#2000
Retour aux sources
Comme en 1896, les Jeux Olympiques de 2004 à Athènes sont parsemés de symboles antiques. Ce souhait exprimé par le CIO et par les autorités du pays organisateur légitime les Jeux Olympiques modernes. Des sites archéologiques sont rénovés, notamment à Olympie. L’emblème des Jeux figure un rameau d’olivier, qui récompensait le vainqueur lors des Jeux antiques : un sponsor en offre un à chaque médaillé. Les mascottes, Phivos et Athina, représentent respectivement Apollon et Athéna. Le parcours de la flamme olympique traverse tous les pays ayant accueilli des Jeux Olympiques d’été ou d’hiver de l’ère moderne. La cérémonie d’ouverture est également un hommage appuyé à la mythologie, l’histoire et la civilisation de la Grèce, comme berceau de la civilisation européenne, mais aussi de l’olympisme.
Pýrros Dímas : héros national
Déjà porte-drapeau de la délégation grecque à Sydney, l’haltérophile Pýrros Dímas voit cet honneur renouvelé en raison de son palmarès impressionnant : triple champion du monde et triple champion olympique, il est l’athlète grec le plus titré de l’olympisme moderne. Le héros sportif de la nation est né en Albanie, pays qu’il quitte clandestinement en 1991 dans le cadre d’une migration massive d’Albanais vers la Grèce. Naturalisé dès 1992, Pýrros Dímas échappe au racisme qui touche les Albanais.
Une crise en héritage
Les investissements sont colossaux, mais les retards s’accumulent. Les mesures palliatives pèsent lourdement sur les finances, comme le budget pour la sécurité de ces premiers Jeux Olympiques après le 11 septembre 2001, quelques semaines après l’attentat de Madrid de mars 2004, et alors que plusieurs attentats à la bombe sont survenus en Grèce. Après les Jeux, une grande partie des équipements sportifs construits pour l’événement sont abandonnés. L’accueil des Jeux Olympiques contribue à la crise économique qui frappe la Grèce à partir de 2008.
Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :
https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1997-2024#2004
Démonstration de force
Avec l’accueil de ses premiers Jeux Olympiques, la Chine affirme par le biais du sport sa puissance économique et culturelle. La cérémonie d’ouverture, qui met en scène l’histoire chinoise, se tient au « Nid d’oiseau », le stade olympique à l’architecture remarquable et spectaculaire. Celui qui allume la vasque est l’ancien gymnaste Li Ning, fondateur de la marque éponyme, premier équipementier sportif du pays. Les investissements sont massifs, et les équipements sont à la pointe. Une large couverture médiatique est opérée par une société créée pour l’occasion, afin de respecter les lois restreignant les investissements étrangers. Le bilan sportif est à la hauteur : la Chine termine en tête. Cette Olympiade soulève néanmoins des questions politiques et environnementales.
Liu Xiang : espoirs déçus
Liu Xiang, médaillé d’or sur 110 mètres haies en 2004 à Athènes, est la figure de proue de la puissance sportive chinoise, héros de tout un peuple. Son forfait sur blessure en 2008 à Pékin suscite une si vive déception que son équipementier américain Nike, lancé à la conquête du gigantesque marché chinois, est rendu responsable de son abandon. À travers cet athlète, le duel sino-américain prend une forme nouvelle qui préfigure la décennie à venir.
Contestations
L’accueil des Jeux Olympiques par la Chine suscite une campagne internationale de défense des droits humains et de l’environnement. Le relais de la flamme cristallise les contestations. À Paris, des manifestations sont organisées. Dans ce cadre, un manifestant protibétain bouscule violemment une para-escrimeuse pour lui arracher la torche. Cette image est reprise par le pouvoir chinois pour diaboliser ses opposants. Un an plus tard, le CIO impose que le parcours de la flamme demeure dans les frontières nationales.
Usain Bolt : éclair de génie
Après un record du monde du 100 mètres, le Jamaïcain Usain Bolt figure parmi les favoris des Jeux de Pékin. Les médias suivent de près ce coureur hors norme que les sponsors s’arrachent. Pour sa première finale olympique, il établit un nouveau record du monde du 100 mètres à 9’’69, avec une aisance ahurissante, relâchant son effort à une vingtaine de mètres de l’arrivée. Quelques jours plus tard, il réitère son exploit en s’imposant au 200 mètres avec un nouveau record mondial en 19’’30, puis il remporte la médaille d’or au relais 4x100 mètres.
Site internet de la Casden : Histoire, sport & citoyennetés : des jeux olympiques d’Athènes 1896 aux jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :
https://casdenhistoiresport.fr/exposition/olympiades/periode-1997-2024#2008