Rencontre Beata Umubyeyi Mairesse, Caroline Hinault, Maryline Desbiolles, Mathilde Ramadier et Elodie Durand
Une rencontre avec trois auteures de roman et deux auteures de BD en lice pour les Prix littéraires de la Porte Dorée 2025.
La rencontre, animée par Sonia Déchamps, sera suivie d'une séance de dédicaces, en présence de la librairie Le Phare.
Beata Umubyeyi Mairesse - Le convoi

Beata Umubyeyi Mairesse
Photo : Cécile Nieszawer © Flammarion
Il aura fallu quinze ans de cheminement incertain, une enquête menée aux confins de mémoires étiolées, pour retrouver une image sur laquelle j'espérais figurer, puis pour chercher mes compagnons de fuite. Quinze ans pour m'autoriser enfin à écrire cette histoire. La mienne et à travers elle, car il s'agit bien de me réinscrire dans un collectif, la nôtre, l'histoire des enfants des convois.

Le 18 juin 1994, quelques semaines avant la fin du génocide des Tutsi au Rwanda, Beata Umubyeyi Mairesse, alors adolescente, a eu la vie sauve grâce à un convoi humanitaire suisse. Treize ans après les faits, elle entre en contact avec l'équipe de la BBC qui a filmé et photographié ce convoi. Commence alors une enquête acharnée (entre le Rwanda, le Royaume-Uni, la Suisse, la France, l'Italie et l'Afrique du Sud) pour recomposer les événements auprès des témoins encore vivants : rescapés, humanitaires, journalistes. Le génocide des Tutsi, comme d'autres faits historiques africains, a été principalement raconté au monde à travers des images et des interprétations occidentales, faisant parfois des victimes les figurants de leur propre histoire.
Nourri de réflexions sur l'acte de témoigner et la valeur des traces, entre recherche d'archives et écriture de soi, Le convoi est un livre sobre et bouleversant : il offre une contribution essentielle à la réappropriation et à la transmission de cette mémoire collective.
Caroline Hinault - Traverser les forêts

Trois femmes, une forêt. La forêt c’est la dernière forêt primaire d’Europe, aux confins de la Pologne. Un sanctuaire sauvage peuplé d’une grande faune disparue ailleurs. C’est là que vit Véra, journaliste biélorusse exilée depuis le printemps au milieu des arbres et des bêtes. C’est là qu’est revenue s’installer Nina, elle qui a rêvé que sa beauté lui ouvrirait les portes de l’Occident mais qui, remâchant ses illusions perdues, occupe avec son fils l’ancienne maison forestière de ses parents. C’est là, enfin, dans cette « zone rouge » où patrouillent désormais les militaires, qu’Alma tente de franchir la frontière.
Sans qu’elles le sachent, la forêt va entremêler le destin de ces trois femmes. Mais comment traverser ce labyrinthe ? Quelle direction prendre ?

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Caroline Hinault
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©Julie Balague
Révélée par son formidable Solak, couronné de plusieurs prix littéraires, Caroline Hinault signe ici, sur les traces de la Divine Comédie de Dante, un magnifique deuxième roman inspiré d’événements ayant eu lieu à la frontière entre la Pologne et la Biélorussie à l’automne 2021. Ses trois héroïnes, plongées au cœur de la forêt primaire, y explorent chacune une part de nos peurs et de nos désirs les plus profonds, et la façon dont le langage peut chercher à se faire contre-frontière poétique.
Maryline Desbiolles - L’Agrafe

Emma Fulconis : on ne voit qu’elle à L’Escarène, dans cet arrière-pays niçois où elle est née. Prompte, virevoltante, rebelle à tout, sauf au vent, elle a toujours galopé dans les collines. Enfant déjà, on la surnommait « l’athlète ». Se moquant bien des compétitions, Emma « ne court pas relativement, mais absolument ».
Un jour, sa vie bascule : son ami Stéphane Goiran, avec qui parfois elle écoute un peu de musique lors d’une halte, l’invite chez lui. Là, à peine la porte franchie, un chien énorme se jette sur elle, et lui lacère la jambe, ou plus exactement le péroné, également appelé « l’agrafe ». S’ensuivent des mois d’hôpital et de rééducation, à l’issue desquels il est clair qu’Emma ne détalera plus jamais à toute allure.
L’accident ne l’arrête pas dans son élan. Hantée par la phrase du père Goiran expliquant pourquoi il n’a pas retenu son molosse – Mon chien n’aime pas les Arabes
–, elle tente de comprendre ce qu’elle sait déjà, mais dont on ne parle pas. Tenace, elle va surtout trouver en elle la ressource d’un nouveau mouvement, un tremblement d’abord, une oscillation, presque une danse immobile.

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Maryline Desbiolles
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© Philippe Matsas
Maryline Desbiolles convoque la parole des villageois comme un chœur antique, pour nous mener, au rythme même de la course empêchée d’Emma, sur le chemin d’une aveuglante réalité : celle d’un pays où les blessures de la guerre d’Algérie sont tapies dans les mémoires. Pour autant, même boiteuse, exhibant crânement sa cicatrice, jamais Emma Fulconis ne cessera d’aller de l’avant, exerçant sur nous, de son invraisemblable grâce, un charme puissant.
Mathilde Ramadier et Elodie Durand - La belle de mai. Fabrique de révolutions

Marseille, Hiver 1887. Plus d’un millier de femmes sont employées à la manufacture des tabacs de la rue Bleue (aujourd’hui la Friche Belle de Mai), qui produit cigares, scaferlatis et cigarettes. Malgré une récente modernisation, les conditions de vie et de travail sont rudes pour ces immigrées italiennes. Sespo, Teresa et Rosa, trois jeunes cigarettières, décident de s’organiser, sans syndicat ni expérience, pour faire spontanément une grève sur le tas après que l’une d’elles a été sévèrement sanctionnée par la direction, suspectée injustement d’avoir volé du tabac.
Leur première revendication : qu’on cesse les fouilles au corps à la sortie des ateliers.
Petit à petit, il leur faut gagner l’opinion publique et la presse, trouver des locaux, tenir tête aux chefs d’atelier qui cherchent à les intimider, convaincre la direction puis le préfet, voir plus grand dans leurs revendications, vivre la solidarité… Et s’émanciper de leur condition. Tout va aller beaucoup plus vite et plus loin qu’elles l’imaginaient.
À travers le destin de ces trois ouvrières d’origine italienne, Mathilde Ramadier et Élodie Durand racontent le quotidien difficile de ces femmes venues en France pour trouver du travail. Un combat féministe, syndicaliste et non-violent qui se termine avec une victoire retentissante. Une belle histoire de solidarité et d’émancipation !

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Elodie Durand et Mathilde Ramadier
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© Gianluca Quaranta
Diplômée de l’école des Arts décoratifs de Strasbourg, Élodie Durand travaille pour la presse et l’édition jeunesse en parallèle de ses livres de bande dessinée. En 2011, elle reçoit le Fauve d’Angoulême – révélation pour La parenthèse. En 2021, Transitions avait reçu un bel accueil. Elle réside aujourd’hui à Marseille et est membre de l’Atelier des Héroïnes.
Mathilde Ramadier a une formation de graphiste et a étudié la philosophie et la psychanalyse. Elle alterne l’écriture d’essais et de scénarios de bande dessinée pour Laurent Bonneau, Anaïs Depommier ou Alberto Madrigal. En 2017, Et il foula la terre avec légèreté, avec Laurent Bonneau, obtient le Prix Tournesol.