Trois questions à

Entretien avec Martin Müller

Martin Müller, professeur à l'Institut de géographie et durabilité à l'Université de Lausanne revient sur les conséquences environnementales des Jeux Olympiques et Paralympiques.

Le coût environnemental des Jeux Olympiques et Paralympiques fait désormais largement débat. Est-ce pourtant un sujet nouveau et à quel moment est-il apparu ?

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Martin Müller
Martin Müller

Martin Müller : Il n’est pas si récent et a émergé par deux voies différentes. Dès les années 1970, des voix citoyennes se sont élevées contre les destructions causées à la nature lors des JO d’hiver. Les constructions de stades, de tremplins de ski laissent des traces dans les écosystèmes fragiles que sont les milieux montagneux. En raison des oppositions locales sur ce sujet, l’organisation des Jeux à Denver (États-Unis) a d’ailleurs été annulée en 1972. Ce qui a contraint le Comité international olympique à les réattribuer dans l’urgence à la ville autrichienne d’Innsbruck, qui avait déjà accueilli des JO d’hiver. Dans les années 1990, avec la démocratisation des voyages en avion et la croissance des Jeux en nombre d’athlètes et de spectateurs, les premières critiques relatives à l’impact sur le climat ont émergé. Ces dernières années, cette dénonciation a parfois relégué au second plan le sujet des atteintes aux écosystèmes naturels.

Paris 2024 annonce des Jeux au bilan carbone deux fois moindre que les éditions précédentes et s’engage à compenser les émissions qui n’auront pas été évitées. Qu’en pensez-vous ?

M.M. : Il faut rappeler que c’est le plus gros événement organisé au monde, avec 11 à 12 000 athlètes attendus, 400 000 personnes accréditées, 12 à 13 millions de spectateurs au total. Le paradoxe des Jeux, c’est qu’ils dépendent d’un climat préservé qu’ils contribuent à détériorer. C’est évident pour les JOP d’hiver : il faut de la neige. Moins pour Paris 2024 mais on pointe le risque d’une canicule ! Il est difficile de savoir sur quelles bases cette réduction de moitié des émissions carbone est calculée. La compensation carbone, quant à elle, est de plus en plus critiquée. Elle consiste à soutenir financièrement un projet de réduction ou de séquestration du CO2. Mais la promesse peut souvent ne pas être tenue. Si on prend l’exemple des plantations d’arbres, qui est un projet courant de compensation, on comprend bien que leur croissance et donc leur capacité à stocker le carbone prendra du temps. Et aussi qu’ils pourraient être coupés ou brûlés.

Les JOP peuvent-ils être compatibles avec le climat sans se réinventer complètement ?

M.M. : Ils pourraient diminuer de deux-tiers à trois quarts leurs émissions de gaz à effet de serre avec deux mesures : réduire les nouvelles constructions et les déplacements en avion. Ce sont les deux plus gros postes d’émissions. Limiter la venue des spectateurs aurait d’autres vertus. Il n’y aurait plus besoin de construire de nouveaux stades, des hôtels, de renforcer les lignes de transports en commun… Ces mesures permettraient aux JOP de perdurer sans bouleverser leur modèle économique basé sur la vente des droits de retransmission et le sponsoring.

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